Pousser la porte ?

Holden est longtemps resté sur le seuil envant d'entrer dans cette maison bleue accrochée à la montagne des Pyrénées.

- Je ne sais pas si ma présence est souhaitée ni même souhaitable.

Le jeune réformé s'éclaircit la voix.


- Je suis peut être pas encore à l'âge où l'on passe des compromis, v'savez ? Ce pouvoir du Comté est avant tout injuste et sert un petit groupe de personnes davantage que l'ensemble des Béarnais. Et puis, que vous le vouliez ou non, c'est un pouvoir qui est soumis à l'Eglise et qui se battra pour des religieux étrangers contre les Béarnais qui ne pensent pas la même chose et prient hors de l'Eglise.

Je connais beaucoup d'entre-vous, à divers titres. Alors dites moi, si je peux vous apporter quelque chose car moi, je ne m'attends pas à ce que cela change ...

Holden s'interrompit et reprit

- J'me souviens mon père disait, que même Varden et sa clique partis, les autres feraient de même. Je crois qu'il se trompait guère. Alors que proposez vous et comment comptez vous y arriver ?

Ta sagesse est grande Anacron, et quand je lis ces paroles je n'ai qu'une envie (pardonne moi) c'est te tutoyer et de faire partie de tes amis!
Je suis fière d'être une Bleu à vos côtés à toi et Murlok, ce qui me donne l'occasion de mieux vous connaitre, il en va de même pour tous les membres inscrits.

Au passage j'en profite pour te souhaiter un heureux anniversaire cher Anacron!

Je voulais juste dire que (j'aurai du préciser) quand tu dis:

Citation :

Pour moi, la question n’est pas trop de savoir si les choses vont changer … Pas plus que de savoir comment les faire changer …

La question est d’essayer de les faire changer !

Je me reconnais dans ce que tu dis, et c'est aussi pour ça que je suis la. "essayer de faire changer les choses"

Holden regarda Anacron écoutant ses questions et les doutes qu'elles exprimaient.

Du compromis à la compromission, frère, il n'y a qu'un pas qui est celui du renoncement à un idéal à atteindre.

Le jeune homme reprit moins vivement.

Ce qui importe pour moi, que l'on compare parfois à un cheval échappé de l'écurie, c'est le sens et l'allure que l'on prend. Si le compromis est une étape sur une longue route, je suis pour. Si le compromis est savoir que des gens, même proches, ne veulent pas aller tout à fait au même endroit mais acceptent le chemin des autres, cela me va aussi.

Holden reprit son souffle

Ce qui me gênerait, c'est que le besoin de s'élargir, de gagner des soutiens, de gouverner, ne se fasse au détriment du but. Ce qui me gênerait, c'est que le compromis devienne un but et non pas un moyen, pour en arriver à quelque chose de moyen et de tiède. A peine élus, les élus s'engagent à partager le pouvoir avec leurs électeurs et aussi leurs opposants.


Ce qui me gênerait c'est que, les bleus ne soient pas au moins d'accord sur le fait qu'il faille transformer les choses et non les réformer. Le pouvoir actuel pense petit, agit petit, craint au lieu d'entreprendre, se ferme quand il faut s'ouvrir et veuille une existence paisible, précautionneuse, médiocre, là où la vie c'est aussi des choix et des risques et un destin collectif.

Holden sourit

J'ai encore été trop long et puis c'est trop dans le vague. Il y a des buts avec lesquels on ne transige pas et ceux que l'on aménage. La Liberté et la Justice, l'Egalité, comment transiger avec cela. C'est bien le comment on y parvient, et par quoi on commence qu'il faut aborder.

Holden sourit largement.

Je crois que c'est ça. Vous ne serez élus que pour deux mois, donc il faudra faire un pas après l'autre. Il faut être sincère et vrai comme tu sais l'être, Anacron. Dire où l'on veut aller, les pas que l'on va faire et puis faire participer. Pas ici seulement, là c'est le parti. Pas seulement à la Gargote, là c'est quand on s'eng...

Holden se mordit la langue pour ne pas jurer.


C'est dans un palais Ducal ouvert à tous et où tous auraient leur mot à dire pour décider. Il faut ouvrir largement le château qui sent le renfermé et les toiles d'araignées. Mais bon, je suis trop long et je crois que ce que je dis va pas plaire.

Holden fraichement sorti de prison avait écouté Anacron sans l'interrompre. Il prit le temps de réfléchir et même méditer sur les paroles de son ami et avocat.

Anacron, j'entends ce que tu dis, et il serait puéril de vouloir tout et tout de suite. Il est toutefois plus naïf et utopiste de penser que l'on pourra triompher du système en respectant l'ensemble des règles qu'il a fixées car justement ces règles ont pour effet, quand ce n'est pas pour objet de rendre permanent le système, quel que soit la personnalité et même les options de ceux qui occupent les postes et les fonctions de pouvoir.

Si le principe d'en finir avec une société d'ordre pour bâtir une société d'individus à la fois égaux et solidaires n'est pas proclamé, les nouveaux conseillers renforceront les ordres. Si le principe d'en finir avec la coupure stricte entre des gouvernants et des gouvernés n'est pas affiché, les nouveaux conseillers, finiront par rester dans une tour d'ivoire, quelle que soit la pureté et la sincérité de leurs intentions initiales.

A la vérité frère, la transformation du Béarn est intimement liée au changement de comportement des élus et à l'adhésion constante de ses habitants. L'un ne va pas sans l'autre comme pour avancer et tenir debout, il faut compter sur deux jambes.

Penser que les jeux au conseil permettrons à eux seuls de changer, lentement et progressivement est un leur et je crains là, que le compromis ne soit compromission. Où alors il faudrait une liste composée entièrement d'une collection Anacron à la rectitude morale inébranlable et encore.

D'autre part, le mécontentement populaire résultant des pratiques d'un pouvoir usé, vieilli, fatigué, ce clan de copains et de coquins qui depuis trop longtemps ne cherche qu'à occuper la place et à durer, s'exprimera par la révolte, la désillusion et les départs.

L'audace ou l'enlisement, c'est bien l'alternative qui est proposé, la clarté contre la pénombre, l'union des forces vives des villes et du peuple béarnais contre une noblesse et un clergé qui nous étouffent.

J'espère que les Bleus seront à la hauteur de ce besoin mais il faut de l'audace, de la transformation, du dynamisme car les obstacles se contournent ou se renversent mais ne doivent pas être de nature à nous arrêter.

Alors, il faut, si les Bleus gagnent agir au contraire fermement et très vite et changer les institutions en donnant un grand rôle aux habitants.

Holden regarda Anacron, se doutant qu'il allait certainement choquer le trop sage réformé.

Ce sont les premiers jours qui détermineront l'avenir des Bleus et les espoirs que le peuple béarnais aurait placés en lui. Les Bleus auront juridiquement raison dès lors qu'ils seront politiquement majoritaires. Transformez les institutions, les cadres, la place respective des citoyens et des notables. Ce pouvoir sent le renfermé ouvrez les portes et les fenêtres d'un Conseil Ducal qui doit devenir la Maison Commune des Béarnais.

Sinon, je crains que votre construction ne soit bâtie sur la vase dans laquelle vous serez enlisés et le Béarn avec vous.

Des bruits de voix attirèrent l'attention de Dyvina et lorsqu'elle reconnut le timbre familier de celle d'Holden elle prêta d'avantage l'oreille, écouta en silence un bon moment pour finir carrément par entrer dans la pièce et se mêler à la conversation.

Anacron et Holden se trouvaient là, refaisant le monde à eux seuls.
S'approchant elle leur sourit et plus largement à Holden

Alors tu es venu Holden!
Tu as bien fait, car cet endroit est ouvert à tous les habitants qui voudront y venir échanger et partager leur vision sur la politique tenue et à tenir dans ce comté.

J'ai entendu votre discussion à tous les deux. Ta vision des choses, tes espoirs!

Parce que tu es un béarnais comme les autres, avec un devoir de vote, tes attentes et tes inquiétudes, en tant que peut être future conseillère , il est de mon devoir déjà ici de les écouter et de les entendre.

Et plus simplement parce que j'estime que lorsque l'on invite un habitant à venir s'exprimer ici c'est la moindre des corrections de venir lui parler!

Elle eut, à cet instant, une pensée pas du tout émue pour ceux qui cultivaient ce comportement.

Tout comme Anacron, et t'ayant entendu parler je viens donc à mon tour le faire, te parler...

Ton discours est fluide et il coule dans mes oreilles.
Là il a atteint mon cerveau et vient d'éveiller ma curiosité provoquant moult questions pour toi.
Je voudrais mieux comprendre ce que tu dis, alors peux tu développer ... simplement...certains points que tu viens d'évoquer?

Je te cite :

Citation :

Changement de comportement des élus.

Comment voudrais tu les voir, les élus?

Citation :

Il faut de la transformation.

Où, quand comment, pourquoi cela?

Citation :

Une société d'individus à la fois égaux et solidaires.

De quoi parles tu... noblesse, clergé, religion?

Citation :

En finir avec la coupure stricte entre les gouvernants et les gouvernés.

Tu fais allusion à l'information qui ne circule pas, aux chuchotis qui ont lieu au château, aux arrangements dont ton père a bénéficié?

Citation :

Changer les institutions en donnant un grand rôle aux habitants.

De quelles institutions parles tu, tribunal, l'OST, l'économie, les impôts, le marché et comment tu t y prendrais toi?

Holden avait pris patience n'ayant vu, depuis quelques jours, personne en ce lieu. Dyvina arriva, présence qui aurait dû lui paraitre familière mais qui ravissait toujours autant le jeune réformé.

Des mots, des sourires, des interrogations et des regards attentifs quoique légèrement anxieux de la belle. Holden, par geste machinal et pour se donner à la fois contenance et le temps de réfléchir repoussa en arrière la mèche qui qui tombait régulièrement sur l'oeil.

- Dyv, tu as compris que dans ma pensée, il y a surtout le besoin que les gens soient associés autrement que sur la Halle et la Gargotte. Le pouvoir actuel cache ce qu'il se passe et ferme à la plupart les accès au château. Je ne sais ce que veulent faire les Bleus mais je gage que c'est la même chose en moins pire. Les élus travailleront et feront l'effort d'expliquer un peu mieux. Eventuellement, ils consulteront avec quelques débats.

- Mon projet n'est pas là, car il consiste à placer d'abord la confiance dans les simples Béarnais, les élus ne devant être que le relai, l'exécutant d'une volonté supérieure du peuple Béarnais. Eventuellement, s'il les Béarnais se révèlent au début, un peu calmes, tant les ont endormis ou changés en statue de sel, les contes et les mécomptes de Yolaine et de ceux qui l'ont précédés, il faudra stimuler les débats et chercher les volontés et les capacités.

- Il faudrait non seulement faire parler les gens mais les faire choisir; débattre avant et confirmer, en votant oui ou non, les votes du Conseil Comtal. Il faudrait que les élus s'habituent à être au service des gens et non l'inverse en les sollicitant de loin en loin pour les approuver dans des campagnes ou rien d'essentiel n'est abordé.

Holden sourit à Dyvina, largement et, l'oeil brillant d'espièglerie, reprit.

- Pfffff ! Je m'étais dit que je ne dirai rien de plus ici, mais comment résister à l'envie de te convaincre Toi. Je n'en dit pas davantage, car il y a des mesures qui pourraient être prises et des changements des institutions qui touchent aussi bien le château et ses salles que les activités du Conseil. Nous verrons si cela intéresse mais, soit je parlerai à tous, ici même, si, chez les Bleus, les salles et les esprits ne sont pas aussi solidement cadenassés qu'au Château soit, je te dirai, à toi seule, capable de l'entendre.


Holden résista à la tentation d'étreindre Dyvina, à l'instant même et regarda vers la porte, se disant que sa décision mûrissait à vue d'oeil comme les fruits sous l'effet de la chaleur du mois d'août en Béarn.